mercredi 10 février 2016

Lecture commentée : Lorsque j'étais une Oeuvre d'art - Eric-Emmanuel Schmitt

Titre : Lorsque j'étais une Oeuvre d'art

Auteur : Eric-Emmanuel Schmitt (né en 1960)

Date de parution : 2002

Mon édition : Albin Michel

Ma collection : Le Livre de Poche

Le prix auquel je l'ai acheté : emprunté

Genre : Roman

Nombre de pages : 253

Résumé :


     Lorsque j'étais une Oeuvre d'art raconte l'histoire d'un homme. Suicidaire pour la énième fois, il est prêt à accomplir son ultime suicide. Or, au bord de la falaise de laquelle il voulait se jeter, apparaît son "Bienfaiteur", comme il l'appellera longtemps. Celui-ci lui propose de lui accorder vingt-quatre heures, seulement ce temps-ci ; s'il ne l'a pas au bout de ce délai convaincu que la vie vaut d'être vécue, le suicidaire pourra accomplir son acte. Alors il accepte, il accepte d'être la victime volontaire de nombreuses opérations chirurgicales pratiquées par le médecin d'un grand artiste, Zeus-Peter Lama, pour en faire un monstre - oh, pardon ! une oeuvre d'art. Mais alors que celui-ci, nommé Adam, accepte sur le début sa nouvelle vie en tant qu'objet, va-t-il éternellement pouvoir supporter ce statut ?


                               

Les personnages principaux :


Adam : personnage principal, il est depuis la puberté complexé non par sa laideur, car il n'est pas laid, mais par son air banal, commun, qui ne sort pas de l'ordinaire. Après nombre de suicides, il décide d'en tenter un ultime, en sautant du haut du falaise réputée justement pour les cadavres qui y sont retrouvés. Mais il tombe entre les mains de Zeus, qui va faire de lui une oeuvre d'art. Adam n'est alors plus humain ; il n'est plus qu'un objet, mais un objet qui se rebelle, qui parle, et qui pense. Il est le frère des Firelli.

Zeus-Peter Lama, dit Zeus : grand artiste de l'île sur laquelle se déroule l'histoire, et surtout artiste mondialement connu pour ses peintures, ses sculptures, etc. Il fait de l'art avec tout ce qu'il trouve. Et, dans cette histoire, ce qu'il trouve, c'est un homme désespéré, le futur Adam Bis, comme il appellera l'oeuvre vivante qu'il en a fait. C'est un artiste richissime.

Dr Fichet : docteur et chirurgien pratiquant les multiples opérations à Adam, sous la commande de Zeus.

Les frères Firelli : frères d'Adam. Ils sont réputés pour être les deux hommes les plus beaux du monde entier, raison pour laquelle Adam se sent d'autant plus complexé dans sa vie. Ils sont le symbole de la célébrité qui en fait trop, et qui met tout dans l'apparence, jamais sans aucune pensée construite derrière.

Hannibal : peintre aveugle qui peint sur la plage. Mais il ne reproduit pas le paysage tel qu'il est : il peint l'invisible, il peint l'air. A la fin du roman, il est célèbre, ses toiles se vendent très bien, son talent est enfin reconnu. Il est le père de Fiona et aime être observé lorsqu'il peint par Adam.

Fiona : fille de Hannibal, et puis amie et enfin femme d'Adam. Elle est cette Onze-heures-trente de La Part de l'autre : l'image de la femme forte, à la réplique juste - extrêmement juste -, mais en même temps douce, délicate, fine, émotive, et qui cache par son sourire les malheurs de sa vie. Fiona est une respiration dans ce roman suffoquant. 

                               

Mon avis :

     Ce livre n'est véritablement pas apprécié de tous, et je comprends pourquoi, mais je le défendrai. Il est en réalité très gênant, très "suffoquant" : on ne respire pas, dans ce roman, et le fait qu'il ne fasse que moins de 300 pages est très convenable. De plus, la situation en elle-même est très gênante, elle nous laisse perplexe, et même elle en dégoûte certains. Mais ce livre montre une réalité, et un véritable dilemme. Je pense, après réflexion, que c'est le roman, de tous ceux que j'ai jamais lus, qui a en moi suscité le plus d'interrogations. En effet, on ne peut pas raisonner ainsi : ce livre est vulgaire, grossier, mal fait, mal écrit, mal traité, et, qui plus est, il n'a pas d'intérêt. Celui qui dit ceci ne l'a pas lu réellement. Ce roman est extrêmement riche ! Extrêmement intéressant, au sens propre du terme - même si captivant aussi. Il met d'abord sur la table la question du sacrifice de notre vie - est-il mieux de mourir, comme voulait le faire Adam au début du livre, ou de sacrifier sa vie à être autre chose que soi-même ? -, puis celle du soi-même - qu'est-ce que c'est, moi-même ? Ce que je fais de moi, ou ce que les autres font de moi ? Est-ce que je vis pour et par moi ou pour et par les autres ? -, et puis il y a aussi une réflexion, bien entendu, sur l'art : l'art est-il riche ou pauvre ? L'art est-il succès ou insuccès ? L'art est-il, enfin, le laid ou le beau ? Ce qui dérange ou ce qui doit faire plaisir ? C'est la question de l'art contemporain, qui privilégie le laid, le dérangeant, face à l'art plus "classique", qui veut faire du beau, qui veut non pas indigner, mais faire pleurer, rire, soit émouvoir. Et, dans la première moitié du roman, Schmitt se met du premier point de vue - l'art justifie le  laid, et surtout le sacrifice de l'homme - ; alors que l'on arrive à l'apogée de la suffocation, car c'est un effet progressif, Schmitt fait apparaître Fiona et Hannibal, alors on respire enfin, et on se plaît à penser qu'au final, l'art peut être beau : Hannibal, étant aveugle, peint Adam selon sa beauté intérieure, et non sa laideur extérieure. Enfin, Schmitt conclut son livre, comme sur une synthèse : le procès, qui définira si Adam est un homme ou non, car c'est aussi là un grand questionnement du roman : un homme peut-il être dépourvu de son humanité s'il signe que oui ? Grande question.
     Lorsque j'étais une Oeuvre d'art est une oeuvre d'art, mais que je ne saurais conseiller qu'aux plus ouverts d'esprits.

Ma note :


Critères
Barème
Écriture
12,5/16
Style

03/04
Fluidité

03/03
Richesse du vocabulaire

02,5/04
Difficulté de compréhension

02,5/03
Mouvements du texte ( plat, très dynamique, alterné )

01,5/02
Histoire
15,5/19
Intérêt

03/03
Importance des personnages et familiarisation entre eux et le lecteur

03/03
Captivant ou ennuyeux ?

05/06
Émouvant ?

03/05
Crédibilité / Cohérence

01,5/02
Le livre
02/03
Goût personnel
02/02
Total
32/40

16/20

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