samedi 16 janvier 2016

Lecture commentée : Le Monde selon Garp - John Irving

Titre : Le Monde selon Garp

Auteur : John Irving (né en 1942 ; Américain)

Traducteur : Maurice Rambaud



Date de parution : 1978

Mon édition : Editions du Seuil

Ma collection : Points

Le prix auquel je l'ai acheté : emprunté

Genre : Roman

Nombre de pages : 649 + table

Structure du livre : 19 chapitres

Résumé :

     Le monde selon Garp, c'est un monde dans lequel il est arrivé par le biais de l'union entre l'infirmière qui lui fait office de mère - Jenny Fields - et un Sergent Technicien de l'armée - le Sergent Technicien Garp -, condamné à mourir avant de savoir qu'il avait fait germer en le ventre d'une femme un petit bout de lui-même. Garp n'est pas un petit garçon comme les autres : un peu disgracieux, aux préoccupations aussi étranges que sa mère l'est - Jenny Fileds, l'infirmière qui envahit de ses livres les couloirs et salles de Steering School, où elle vit avec Garp, son fils. Et puis Garp grandit vite. Il rencontre Helen Holm, la fille de son professeur de lutte, sport dans lequel, d'ailleurs, Garp excelle. Puis il couche avec la fille Percy, Cushie, acte qui lui vaudra la rage de Ragoût-Gras, plus cordialement nommé Stewart Percy, le père de Cushie. Puis, au milieu de l'écriture de Sexuellement suspecte, l'autobiographie de Jenny Fields qui la rendra excessivement célèbre et qui en fera une femme à la réputation féministe, accueillant les plus démunies, les femmes aux vies les plus complexes, Garp veut voyager, en Europe - à Vienne. Alors ils fuient tous deux la pollution de la capitale du dollar pour les rues mortes du fond de l'Autriche post-guerre. Là, Garp écrira sa première oeuvre littéraire : La Pension Grillparzer, qui se révélera être son meilleur écrit, bien que suivront son premier roman, Procrastination, puis son second - Le second Souffle du coucou -, avant qu'il ne fasse scandale avec Le Monde selon Bensenhaver, et qu'il laisse inachevé Les Illusions de mon père. Garp est un écrivain renommé lorsqu'il revient aux Etats-Unis, quelques années plus tard. Alors il se marie à Helen, avec qui il aura deux enfants : Duncan (qui perdra un œil, puis un bras), et Walt (qui perdra, lui, la vie). Au milieu de cette vie remplie d'angoisses - le Crapaud - et de péripéties vagabondent une certaine Roberta Muldoon, un Michael Milton, une famille Percy - sans oublier Bonker ! -, un M. Trinckenmiller, qui tuera Jenny Fields, une Braidbridge Percy Steering, qui tuera S. T. Garp, et nombre d'autres personnages tous aussi vivants et flamboyants les uns que les autres. Le monde selon Garp, c'est cette absurdité qui consiste à dire que les choses se passent bien étrangement, parfois.

Les personnages :

Jenny Fields : excellente infirmière d'abord pendant la guerre, puis à l'infirmerie de Steering School, avant de finir dans la belle bâtisse de Dog's Head Harbor. Elle est aussi et surtout la mère de S. T. Garp. Elle sera assassinée à la fin du roman par un certain Mr. Trinckenmiller, sans doute pour ses convictions dites féministes et tolérantes.

S. T. Garp : personnage principal et éponyme de ce livre, il est le fils de Jenny Fields et du Sergent Technicien Garp (d'où les initiales), l'époux  d'Helen Holm, le père de Duncan, Walt et Jenny, et le meilleur ami de Roberta Muldoon, qu'il vouvoiera cependant tout au long du roman. A la mort de sa mère, il crée avec Roberta la fondation Fields pour venir en aide aux femmes dans le besoin. 

Helen Holm : fille du professeur de lutte, Ernie Holm. Fille unique lisant sans cesse dans le gymnase de Steering School, elle est la première lectrice de Garp, puis son épouse, et enfin la mère de ses trois enfants - Duncan, Walt, Jenny. Helen est professeur d'anglais à Steering School, cette prestigieuse école des Etats-Unis.

Ernie Holm : professeur de lutte et entraîneur particulier de Garp, il est aussi et surtout le père d'Helen.

Duncan Garp : fils aîné de S. T. Garp et d'Helen Holm, frère de Walt et de Jenny, il perdra un œil lors de "l'accident" (accident de voiture provoqué par Garp volontairement, pour emboîter la voiture de l'amant d'Helen, Michael Milton), et il perdra un bras plus tard, avant de devenir un peintre exceptionnel.

Walt Garp : fils second de S. T. Garp et d'Helen Holm, frère de Duncan et de Jenny, il perdra la vie lors de "l'accident", à l'âge de cinq ans.

Jenny Garp : seule fille et dernier enfant de S. T. Garp et d'Helen Holm, soeur de Duncan et de Walt, elle incarne une nouvelle Jenny Fields dans le roman, mais sous le nom de Jenny Garp.

Mr. Tinch : professeur d'anglais de Garp à Steering, il est son tout premier lecteur, et celui qui lui conseillera de continuer à écrire. Petite remarque : il bégaie.

Mrs. Ralph : mère de Ralph, l'ami de Duncan chez qui il va dormir une fois. On ne connaît qu'à la fin son véritable nom, mais elle restera pendant tout le roman Mrs. Ralph. Mère célibataire, elle tente beaucoup Garp, et s'installe entre eux une ambiguïté sexuelle qui n'ira jamais plus loin que le simple désir.

Ralph : ami de Duncan.

Le doyen Bodger : doyen de Steering School qui refuse de prendre sa retraire. Il fait chaque soir des rondes pour faire déguerpir les couples nocturnes et les étudiants errant dans les allées de Steering. Lorsque Garp, petit, tombe de la gouttière, Bodger tente de le sauver ; il restera toujours persuadé qu'il lui a véritablement sauvé la vie, alors que Garp s'est en réalité épargné par lui-même. 

John Wolf : éditeur d'abord de Jenny Fields, puis de Garp, il quittera l'édition à la mort de Garp, indigné de constater que l'on se fait davantage d'argent par la mort d'un auteur et le scandale qui s'entend avec que de son vivant.

Ellen James : jeune fille violée à l'âge de 11 ans, et à qui, lors de la même agression, on a coupé la langue afin qu'elle ne puisse plus parler. Or, à 11 ans, elle était bien capable d'écrire ce qu'elle avait vécu. Elle en restera toujours traumatisée, et devient un symbole du viol aux Etats-Unis, au point de créer involontairement ce mouvement féministe qu'elle déteste : les Ellen-Jamesiennes, ces femmes qui se coupent la langue pour revendiquer leurs droits et dénoncer la maltraitance que leur font subir les hommes, bien que certaines ne soient pas personnellement touchées. A la fin du roman, elle rencontre Garp dans un avion, et devient comme la soeur de Duncan et de Jenny, à Dog's Head Harbor.

Roberta Muldoon : anciennement Robert Muldoon, ex-ailier des Eagles de Philadelphie, une célèbre et excellente - gagnante - équipe de football américain, elle apparaît dans le roman déjà comme nouvellement femme. Son changement de sexe ne dérange en aucun cas Garp, qui se lie à elle d'une profonde amitié. Roberta est le symbole de la différence, qui restera longtemps dans le livre un personnage dépressif face au monde dans lequel elle vit, ce monde d'hommes ingrats qu'elle aurait aimé éviter, au final.

Stewart Percy, alias Ragoût-Gras : époux de Midge Percy Steering, père des six enfants Percy, il est le chef de cette riche et respectée famille de Steering. Il y aura toujours conflictualité entre lui et les Garp, jusqu'à sa mort cancéreuse.

Midge Percy Steering : épouse de Stewart Percy, mère des six enfants Percy, elle est issue de la famille Steering - créatrice de l'école, qui est une école exclusivement masculine, jusqu'à l'épilogue du roman. Elle est la figure de la femme à respecter, élégante, classe, et de bonnes manières. 

Cushie Percy : fille de Stewart Percy et de Midge Percy Steering et première fois (amoureuse mais surtout sexuelle) de Garp.

Braibridge Percy, alias Pooh Percy : enfant Percy la plus complexée. Ce complexe se traduira plus tard par son auto-mutilation de la langue - elle devient une Ellen-Jamesienne - et par son assassinat de Garp.

Bonker : chien très agressif des Percy qui dévore une oreille à Garp, alors qu'il est tout enfant. Plus tard, à l'occasion de sa relation avec Cushie, Garp se vengera et arrachera l'oreille de Bonker.

Michael Milton : étudiant à Steering School, il intègre le cours d'Helen Holm, et devient son amant. A l'instant où Garp découvre leur relation - lui qui a déjà trompé sa femme avec deux baby-sitter et une amie du couple -, il demande à Helen d'arrêter tout, ce qu'elle fait par téléphone, alors qu'il part au cinéma avec Duncan et Walt - Jenny n'existe pas encore. Mais Michael veut absolument voir Helen une dernière fois. Alors elle rentre dans sa voiture, garée devant chez elle, et tente de discuter avec lui. Mais Garp arrive et rentre dans la voiture de son rival. Michael Milton en perd les trois quarts de son pénis, Duncan un oeil et Walt la vie.

Mr. Trinckenmiller : assassin de Jenny Fields.

Henriet Trinckenmiller : veuve de Mr. Trinckenmiller, elle vit dans le New Hamphire comme coiffeuse. Dans l'avant-dernier chapitre du roman, Garp va la voir pour savoir si elle est une putain ou non. Si elle ne l'est pas, il accepte que l'association Fields lui fasse don d'argent ; sinon, non. Elle n'en est pas une, alors reçoit le financement. 

Mon avis :

     Ce livre est à dévorer. Mais je pense cependant qu'il ne conviendrait pas à tout type de lecteur. En effet, le style de l'auteur fait que le langage est bien souvent cru et sans tabou. Il nous parle de concupiscence, de sexe, de pénis, d'érection, d'éjaculation, de masturbation, de seins et de vagins sans omettre de détail et sans honte. C'est véritablement un roman très osé, mais qui vaut la peine d'être lu. Un jour, on m'a demandé "pourquoi tu lis ce livre, puisqu'il te prend du temps et que tu as tant d'autres choses à lire ?". Sur le moment, je n'ai su quoi répondre, mais je suis maintenant persuadé que je vais recroiser ce titre plusieurs fois dans ma vie, car Le Monde selon Garp est un véritable monument de la littérature américaine. De plus, ce qui est remarquable et ce qui fait l'originalité de ce livre, c'est le fait qu'Irving ne se concentre non pas sur des moments de la vie des personnages que l'immense majorité des romans considèrent comme importants - le mariage, la naissance des enfants, la première fois, etc. -, mais il s'attarde sur des détails qui, a priori, n'ont aucun intérêt. L'auteur met ainsi en exergue l'idée que ce sont les détails qui font la richesse et la véracité de la vie, et non pas la généralité des "gros" événements. 
     Irving, dans son roman, s'y prend de telle sorte à ce qu'il ne nous donne aucune leçon de vie ; il nous raconte la vie de nombreux personnages farfelus, mais ceci pour nous éclairer sur la différence de chaque être humain de cette planète, l'intolérance qui trône et c'est aussi une oeuvre qui a tendance à parler de la condition des femmes - mais ce n'est pas un roman féministe ! Cependant, pour ne pas nous donner de leçons sur la conduite à suivre, l'auteur nous expose à chaque fois un argument et un contre-argument. On constatera que les Ellen-Jamesiennes, par exemple, ont de bons arguments pour avoir fait ce qu'elles ont fait, et sont convaincues de l'utilité de leur geste au point d'en convaincre d'autres. Alors on se demande si la fin justifie les moyens ; Garp nous dit que non, Ellen James de même, mais Roberta nous dit que si. Ainsi, Irving parvient toujours à détourner l'aspect moral que pourrait contenir son livre, de façon à n'en faire qu'une facticité.
    Ce livre est palpitant, intriguant, parfois poignant, et les six cent pages nous font, malgré nous, nous attacher aux personnages. Ainsi, la mort de Garp, comme celle de Jenny, ne laisse pas le lecteur insensible ; c'est cela la preuve que Le Monde selon Garp est un roman qui a sa place dans la grande littérature. 

Ma note :

Critères
Barème
Écriture
13,5/16
Style

03,5/04
Fluidité

02,5/03
Richesse du vocabulaire

03/04
Difficulté de compréhension

02,5/03
Mouvements du texte ( plat, très dynamique, alterné )

02/02
Histoire
15/19
Intérêt

2,5/03
Importance des personnages et familiarisation entre eux et le lecteur

03/03
Captivant ou ennuyeux ?

05/06
Poignant ?

02,5/05
Crédibilité / Cohérence

02/02/15
Le livre
01,5/03
Goût personnel
01,5/02
Total
31,5/40

15,75/20

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