mercredi 2 décembre 2015

Lecture commentée : L'Homme incertain - Stéphanie Chaillou

Titre : L'Homme incertain

Auteur : Stéphanie Chaillou (née en 1969)

Date de parution : 2014

Mon édition : Alma

Le prix auquel je l'ai acheté : emprunté

Genre : Roman

Nombre de pages : 161 + autoportrait

Structure : nombreux chapitres non numérotés

Résumé :


     Un homme considère son passé. Il revient sur l'événement qui a modifié le cours de son existence : une faillite, la vente de sa ferme. En contrepoint, d'une seule voix, comme s'ils fredonnaient une comptine, ses enfants évoquent leurs souvenirs, les jours dont le père, dans son désarroi, ne se souvient pas.

                               

Extraits :

"Tout continuait de se passer comme s'il ne se passait rien. Alors que c'était la déflagration. En moi, c'était la déflagration. Et tout, pourtant, tout semblait avoir l'air de continuer, de se poursuivre. Alors qu'en moi c'était fini. Fini, totalement déserté."

"Quand je repense à ma jeunesse, je me dis que j'ai été élevé dans le mensonge. Que tous, ma génération, on a été élevés dans le mensonge. On nous a fait croire à Dieu, à l'honnêteté, au travail. On nous a dit que nous étions des hommes et que cela signifiait quelque chose. Que les hommes devaient nourrir leur famille, honorer leur patrie, protéger leurs enfants. Que les hommes roulaient en voiture, qu'ils gagnaient de l'argent et que les femmes les admiraient. On nous a dit aussi que les hommes se battaient, qu'ils faisaient face et ne pleuraient pas. Et on est partis dans la vie. Tous. Avec nos vingt ans et ces conneries auxquelles on croyait. Et on a eu nos vies. Et pour certains, ça a été terrible."

"On voulait la terre, le ciel, les nuages, tout ce qui coulait, on était là, couverts, on avalait, on avalait, on savait pas quoi."

                               

Personnages : 

Le narrateur : on ne connaît pas son nom, ni même son prénom. C'est un agriculteur à la retraite. Il revient sur sa vie, comme une confidence, sur sa faillite, ses enfants, sa femme, ses doutes et ses réflexions d'antan. A l'instant où il parle - au moment du roman -, c'est un vieil homme, à la retraite.

Les enfants : ils occupent à chaque chapitre les 3-4 dernières lignes. Ils sont trois, mais parlent au nom d'un seul : "on". Ils évoquent leurs souvenirs de l'enfance passée à la ferme quand leur père en était propriétaire, puis à la ferme quand il ne l'était plus, et enfin en dehors de la ferme. Leurs paroles se répètent souvent : il sont "quelques centimètres, un souffle.".

La femme du narrateur : elle est très peu évoquée, et n'a pas de nom, comme chaque personnage de ce roman, mais elle a pourtant une place importante dans la vie du narrateur : elle est le soutien. En effet, face à la faillite, alors que le narrateur - son époux - se décompose, veut tuer le monde entier et se tuer lui-même, soit baisse les bras, elle, elle tente de le réconforter, elle reste fidèle, s'occupe des enfants, le rassure, tente de trouver des solutions. Elle est la seule raison de ce roman.

                               

Mon avis :

     Ce roman a d'abord un style très particulier. A première vue, on dirait du Duras. Or, c'est plus complexe que ça, plus subtile, dirais-je, que du Duras. Il y a une ponctuation très particulière, de même que des formulations particulières. On retrouve une poésie très agréable à lire. Ce roman se lit en effet extrêmement vite, et sans interruption. De même, la construction est très originale, en cela d'abord qu'elle ne raconte rien de concret (seulement les tourments mentaux - et encore, antérieurs ! - du narrateur), et, de plus, le roman propose à chaque fin de chapitre quelque lignes des souvenirs des enfants. On a donc un parallèle entre la vision de la chose par le père (l'adulte) et par les enfants (l'innocence puérile). Dans la parole des enfants, je pense qeu Chaillou est à son maximum de style : un enchaînement de mots, qui n'ont souvent rien à voir, comme les souvenirs qui nous viennes dans la tête. Et, de plus, elle a la virtuosité d'intégrer quasiment à chaque fois qu'elle fait parler les enfants d'au moins un zeugma.
     En dehors du style, l'histoire est très très très intéressante. En effet, dans son analyse psychologique du protagoniste (le narrateur), Chaillou met en relief des réalités extrêmement précises des tourments mentaux humains. Je pense que chacun peut se retrouver dans ce livre, quelque part. On pourrait croire qu'il tourne autour de l'agriculture, mais pas seulement ! Certes, il y a la question de la place des paysans dans le monde d'aujourd'hui - réflexion élégante et intéressante -, mais il y a aussi la question de l'homme dans son monde : si celui-ci s'écroule, existe-t-il encore lui-même ? Lorsque l'on passe notre vie à construire pour voir en si peu de temps la destruction nous détruire, est-ce rester humain ? Et est-ce rester humain, aujourd'hui, que de vivre sans matérialisme, sans société, sans les autres aussi ?, car c'est également, en effet, une réflexion sur le rapport de soi à autrui. En somme, ce roman est relativement riche !

Ma note :

Critères
Barème
Écriture
14/16
Style

04/04
Fluidité

03/03
Richesse du vocabulaire

02/04
Difficulté de compréhension

03/03
Mouvements du texte ( plat, très dynamique, alterné )

02/02
Histoire
15/19
Intérêt

03/03
Importance des personnages et familiarisation entre eux et le lecteur

02/03
Captivant ou ennuyeux ?

05/06
Poignant ?

03/05
Crédibilité / Cohérence

02/02
Le livre
03/03
Goût personnel
02/02
Total
34/40

17/20

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