vendredi 28 novembre 2014

L'âme comme les épaves

L’âme comme les épaves

Les épaves des profondeurs océaniques,
Toutes rouillées, pourries, mortes puis oubliées,
ET rongées par les courants des plus tyranniques,
Te sont si semblables, ô mon âme dérangée !

Tes bourgeons printaniers qui un jour s'exhibaient
Doucement, tout pleins d'innocence et de pudeur,
Dans la maison de l'abandon semblent installés,
A présent que les jolis temps te font horreur.

Tes effluves qui jadis embaumaient les cieux,
Les jardins merveilleux, les narines curieuse,
Hélas sont devenues si acres qu'il en pleut,
D'une pluie bien froide, glaçante et malheureuse.

Où ta splendeur éternelle a-t-elle pu s'enfuir ?
Mais dans quel sinistre tourment t'es-tu perdue ?
Où donc ta lumière a-t-elle cessé d'éblouir ?
Au fond de quel gouffre ? Aux entrailles de l'Abus ?

Tu es partie bien loin, dans un pays d'ailleurs,
Dans une sorte d'Empire où règnent flammes,
Fumées empoisonnées dont chaque âme se meurt,
Empire dans lequel chaque pas est lame.

Tu as marché dans ce sentier bien sinueux,
Tu t'es éclaboussée des flaques de la mort,
Tu es restée tachée de ce sang sirupeux,
A jamais tatouée de ton nouveau remords.

Sur le chemin de ta pure et longue existence,
Tu as rencontré un douloureux carrefour :
La direction à choisir a tant d'importance
Que le dilemme est presque un dialogue de sourds.

La droite ou la gauche ? Question qui est vitale.
La décision t'es si difficile et si lente,
Que le décor dans ton dos te pousse, fatal,
A une vitesse dont tu deviens souffrante.

Celle qui derrière toi efface tous tes pas,
C'est la grande fée des sorcières : la destinée.
C'est elle qui te presse dans ton embarras,
Qui te hurle : « tes avenirs sont tous tracés ».

Comme tu ne bouges pas, elle te prend la main,
Elle clôture, d'un coup de regard décisif,
L'une des deux ouvertures ; cet accès vain,
Âme soumise, tu la suis d'un air passif.

Tu prends ainsi l'itinéraire de l'infini
D'en bas. Tu rejoins tes semblables les épaves,
Tu te noies dans des torrents de toi incompris,
Puis enfin tu sombres dans les profondes laves.

Est-ce ainsi, âme à mon goût trop tôt partie,
Que les vieilles ténèbres t'ont soustrait à moi,
Qu'elles t'ont détruit, anéanti puis meurtri,
Ô dis-le-moi tout bas, âme à présent sans voix !

Tu es morte depuis peu, en me laissant en deuil.
L'abstrait envolé, le concret n'a plus raison
D'être ici, car un noir jour il tend le bras et cueille

Ses propres passions et sa résurrections.  

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