L’âme comme les
épaves
Les épaves des
profondeurs océaniques,
Toutes rouillées,
pourries, mortes puis oubliées,
ET rongées par les
courants des plus tyranniques,
Te sont si semblables,
ô mon âme dérangée !
Tes bourgeons
printaniers qui un jour s'exhibaient
Doucement, tout pleins
d'innocence et de pudeur,
Dans la maison de
l'abandon semblent installés,
A présent que les
jolis temps te font horreur.
Tes effluves qui jadis
embaumaient les cieux,
Les jardins
merveilleux, les narines curieuse,
Hélas sont devenues
si acres qu'il en pleut,
D'une pluie bien
froide, glaçante et malheureuse.
Où ta splendeur
éternelle a-t-elle pu s'enfuir ?
Mais dans quel
sinistre tourment t'es-tu perdue ?
Où donc ta lumière
a-t-elle cessé d'éblouir ?
Au fond de quel
gouffre ? Aux entrailles de l'Abus ?
Tu es partie bien
loin, dans un pays d'ailleurs,
Dans une sorte
d'Empire où règnent flammes,
Fumées empoisonnées
dont chaque âme se meurt,
Empire dans lequel
chaque pas est lame.
Tu as marché dans ce
sentier bien sinueux,
Tu t'es éclaboussée
des flaques de la mort,
Tu es restée tachée
de ce sang sirupeux,
A jamais tatouée de
ton nouveau remords.
Sur le chemin de ta
pure et longue existence,
Tu as rencontré un
douloureux carrefour :
La direction à
choisir a tant d'importance
Que le dilemme est
presque un dialogue de sourds.
La droite ou la
gauche ? Question qui est vitale.
La décision t'es si
difficile et si lente,
Que le décor dans ton
dos te pousse, fatal,
A une vitesse dont tu
deviens souffrante.
Celle qui derrière
toi efface tous tes pas,
C'est la grande fée
des sorcières : la destinée.
C'est elle qui te
presse dans ton embarras,
Qui te hurle :
« tes avenirs sont tous tracés ».
Comme tu ne bouges
pas, elle te prend la main,
Elle clôture, d'un
coup de regard décisif,
L'une des deux
ouvertures ; cet accès vain,
Âme soumise, tu la
suis d'un air passif.
Tu prends ainsi
l'itinéraire de l'infini
D'en bas. Tu rejoins
tes semblables les épaves,
Tu te noies dans des
torrents de toi incompris,
Puis enfin tu sombres
dans les profondes laves.
Est-ce ainsi, âme à
mon goût trop tôt partie,
Que les vieilles
ténèbres t'ont soustrait à moi,
Qu'elles t'ont
détruit, anéanti puis meurtri,
Ô dis-le-moi tout
bas, âme à présent sans voix !
Tu es morte depuis
peu, en me laissant en deuil.
L'abstrait envolé, le
concret n'a plus raison
D'être ici, car un
noir jour il tend le bras et cueille
Ses propres passions
et sa résurrections.
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