vendredi 14 mars 2014

Lecture commentée : Les oiseaux se cachent pour mourir - Colleen McCullough

Auteur : Colleen McCullought

Date de parution : 1977

Edition : France Loisirs

Prix : 5-10 €

Genre :  Roman ( drame, romance, réalisme )

Nombre de pages : 536

Résumé :
     L'histoire commence en 1915 et s'achève à la fin de la seconde guerre mondiale. La famille Cleary, originaire de la Nouvelle-Zélande, émigre en Australie pour faire fructifier un domaine où se pratique l'élevage du mouton et qui appartient à la riche sœur de Paddy Cleary, le père de famille. Une épique superbement rendue où s'acharnent les passions des personnages avec comme fil conducteur les amours tragiques de l'héroïne Meggie pour le magnifique prêtre Ralph de Bricassart, lié à jamais au sort de l'exploitation du domaine.

Mon avis :
     C'est un livre excellent, mais qui, selon moi, a beaucoup de détails qui peuvent faire chuter ma note. Tout d'abord, j'ai trouvé ennuyeux le moment de l'enfance de Meggie, et aussi à son retour à Drogheda, après toutes ces années. Mais, lorsque l'ennui n'est pas là, c'est véritablement  un livre à dévorer sans retenue. J'ai également trouvé qu'il était long, très long : plus de deux mois pour lire un livre, en s'y mettant tous les jours, eh bien je vous assure que lorsque l'on arrive au bout, on est heureux. Sinon, en ce qui concerne l'écriture de Colleen McCullough, il n'y a absolument rien à dire ! Elle est tout à fait dans son registre réaliste, et a le don pour nous faire nous attacher à ses personnages, et compatir pour eux ( même si quelques fautes d'orthographe remarquées par ci par là ). Pour ce qui est du livre en lui-même, je n'avais jamais encore lu sur un tel livre, si imposant, avec une couverture cartonnée et de VRAIES feuilles de papier. Je tiens à préciser que, auparavant, je n'avais jamais lu d'ouvrage d'auteur féminin ( sauf Je t'attends, mais qui ne l'est qu'en partie ) et je n'en ai pas été déçu. Dans l'ensemble, un très beau et bon livre, qui mérite sa note.

Ma note :

16/20

Commentaire :

     Famille Cleary, Nouvelle-Zélande. Le récit commence avec la petite Meggie, qui paraît pourtant toute innocente dans ce début. Elle joue à la poupée, et ses frères la taquinent. Ça peut sembler, sur le coup, une scène soit qui aura de l'importance plus tard, soit qui est affreuse en soi ( étant donné que la famille n'est pas riche et que la petite Meggie tient à sa poupée en porcelaine ), mais il n'en est rien : ni affreux, ni important.  

       Peu à peu, Meggie va grandir et prendre de plus en plus d'importance dans l'histoire, mais sans trop non plus, du moins tant qu'elle se trouve en Nouvelle-Zélande, son pays natal. Mais, un jour, Paddy, le père de la petite, mari de Fee, et père de Hughie, Stu, Jack et leur dernier fils, Franck, qui n'était pas de lui, reçoit une lettre de Mary Carson, sa vieille sœur, dont il n'avait plus de nouvelles depuis une éternité. Celle-ci déclarait être malade et ne voulait pas rester seule chez elle pour ses derniers jours, alors elle leur demandait, à lui et sa famille, de venir la rejoindre, à Drogheda, un grand domaine de Gillanbone, en Australie. Et ils partirent. Débuta un engrenage impossible lié à la fatalité des choses, comme si ce domaine était réduit à la mort ou à la succession.
     Mary Carson mourut, et ce ne fit de peine à aucun des membres de la famille. Mais ils devinrent riches car, celle-ci, avant sa mort, avait modifié son testament et légué toute sa fortune - y compris Drogheda - à l'Eglise, mais plus précisément au père Ralph de Bricassart. Celui-ci, grand et séduisant pour ce qu'il était, pour sa vocation, décida, respectant ainsi plus ou moins son vœu de pauvreté, de s'assurer que la famille Cleary ne manque de rien. Il leur fournissait une pension annuelle, à chaque enfant et aux parents. Les garçons travaillaient dans les étables pour y tondre les moutons. Fee, elle, en femme renfermée et non-sentimentaliste qu'elle est, reste toujours sur la réserve, sans ne rien dire à personne, jamais, même à son mari, que pourtant elle aime, mais ne s'en rend pas compte. La seule personne qu'elle aime vraiment, c'est Franck, le seul fils qu'elle a eu d'un autre homme que Paddy, et on apprendra sur la fin du roman pourquoi. Paddy, lui, est un homme attentionné envers sa femme, et la connaît bien, très bien, c'est pour ça qu'il ne lui reproche rien, et se contente d'être adorable avec elle, comme avec sa famille en général. Meggie, elle, qui prendra de l'importance au fil des pages, est une petite fille heureuse, toujours enjouée, bien que seule fille dans cette famille d'hommes. Au début trop jeune pour aimer sa mère épuisée, elle la plaint. Puis arrive le jour où elle peut s'occuper de certaines tâches ménagères, qu'elle s'amuse - pas toujours - à faire et refaire, sans relâche, ayant conscience d'aider sa mère,qui ne se plaint pourtant jamais. Et arrivent Jims et Patsy, les deux jumeaux. A leur arrivée, Meggie semble jalouse et ne les accepte pas ; ne connaissant rien au fonctionnement de la génétique et de la reproduction, elle dispute son père, l'accusant de "faire souffrir M'man". Mais, peu à peu, Meggie va vouer un amour indéfinissable pour les deux adorables garçons, et va s'en occuper comme si elle était leur mère, ce qui permet de soulager le planning surchargé de Fee. Meggie, sans doute, comme nous le fait ouvertement comprendre l'auteur, a l'intention de remplacer par les jumeaux Franck, qui est parti il n'y a pas si longtemps, mais pourtant lui manque. Elle était plus proche de lui que n'importe quel autre garçon de la famille, car il était plus sage, plus attentif, plus attentionné et posé envers elle. Mais il est parti, et elle est certaine qu'il ne reviendra pas. Aîné, il était majeur, et, étouffant au domaine, l'a quitté, une nuit, après s'être disputé avec Paddy. Mais Franck était sage, donc il avait longtemps et mûrement réfléchi avant de prendre cette décision. Et commença une routine qui paraissait normale et apaisante. 
     Mais Meggie sentait une ambiguïté avec le père de Bricassart. Trop jeune, elle ne savait trop que faire, que penser, que dire. Et lui aussi, Ralph, aussi marié au Seigneur qu'il était, il ressentait cette gêne, mais à la fois douce et réconfortante. Lui, il savait ce que c'était, mais ne voulut l'admettre. Puis il lui dût partir, au plus grand regret de Meggie. Elle se sentait bien avec lui ; pour elle, il devait être comme un ami, mais elle était enfant, et ne comprenait pas, ne comprenait rien, contrairement à lui. Puis le baiser. Sur son départ, dans la nuit noire, dans l'herbe, il l'embrassa, et le lendemain partit. On ne le revit pas avant longtemps.
     La fois suivante où il reparut, c'était pour l'enterrement de Paddy et de Stu. Suite à un incendie ayant ravagé Drogheda - heureusement, pas jusqu'à la grande maison -, Paddy s'était fait prendre par les flammes. Stu, lui, ayant voulu aller chercher son père, était tombé sur un sanglier australien. En le tuant, il a été écrasé par son poids. 

     Meggie n'a pas eue d'adolescence. Elle est passée de l'enfance pure à l'âge adulte, sans réelle transition entre les deux. Après le départ de Ralph, elle eut beaucoup de chagrin, mais décida un jour de se reprendre en main. Luke O'Neill était arrivé un peu avant, en tant que tondeur. Il excellait dans ce domaine, et ravissait toute la famille. Puis voilà ce soir où, dans sa voiture, il embrassa Meggie, et où ils se laissèrent aller à la passion, les sensations des corps nus les uns sur les autres, les douces caresses. Conscients du péché qu'ils exerçaient à l'instant-même, ils stoppèrent net leur acte, et décidèrent de se marier. Ce qui fut chose faite. Par la suite, Luke décida d'arracher Meggie à sa famille, à Drogheda. On n'apprend que plus tard que Luke désirait seulement l'argent de son épouse. Loin du domaine, ils se livrèrent à leur première nuit de noce - bien détaillée par l'auteur -, dans laquelle Meggie n'apprécie pas du tout, et où Luke est brusque et irrespectueux.      Et Meggie est abandonnée lorsque Luke va commencer à couper la canne. Il l'installe chez Anne Mueller, qui se révélera être une femme combattante, où son épouse fera office de domestique. Après des années, Luke continuait à couper la canne, soit disant pour s'acheter ce fameux domaine près de Kynuma, alors qu'il en avait déjà largement les moyens, étant donné l'argent qu'il volait à Meggie. Celle-ci n'avait en effet plus un sou sur elle,et était délaissée. Elle voulut un enfant de Luke - ou plutôt un enfant tout court - et l'eût, contre la volonté de celui-ci. Justine. Affreuse fille, qui se révélera être une garce, désobéissante, ingrate, grossière et laide, très laide, mais qui ne subira pas la "malédiction de Drogheda", si l'on pus dire. 
     Anne Mueller, après de très longues années passées à voir la petite Meggie se décomposer, lui paya des vacances sur l'île de Matlock. Après très légère hésitation, Meggie s'y rend, et sa vie va basculer. Prenant ses aises au bout d'un certain temps, se rendant compte être seule sur l'île, elle ne s'attendait pas à recevoir une quelque visite. Le père de Bricassart, maintenant archevêque de Bricassart. Et de s'entrelacer, et de faire l'amour, et d'avoir un enfant de lui. C'est stratégique : comme Meggie ne peut pas avoir Ralph, alors elle lui vole une partie de lui : son enfant : Dean. Pour éviter que qui que ce soit ne se rende compte que Dean est le fils de l'archevêque, elle couche une dernière fois avec Luke, pour faire croire en sa paternité vis-à-vis de l'enfant. Et personne ne se doute de rien à son retour à Drogheda, après avoir quitté Luke - sans pour autant divorcer -, si ce n'est sa mère, Fee, mais qui ne le dira qu'à la fin du roman. 

     Recommença une vie plus ou moins normale pour Meggie. Qui plus est, son frère adoré, Franck, est revenu. Pendant tout ce temps, il avait été emprisonné, et la famille devait faire comme si elle n'était pas au courant. Et les années de défiler, sans sembler vouloir s'arrêter. Jusqu'au jour où tout rebascula pour Meggie. Ses deux enfants s'en allaient. Justine refusait les Beaux-Arts, et voulait se consacrer à une carrière d'actrice, à Sydney, pour interpréter du Shakespeare, notamment. Et Dean, lui, ce qui affecta beaucoup plus sa mère, lui avoua vouloir être prête. Et il le devint. Enfin, il faillit. Meggie lui a proposé le séminaire de Rome, pour que Ralph s'occupe de lui et que donc elle le sache en sûreté. Pour être plus proche de son frère, avec qui elle était si complice, Justine va poursuivre sa carrière à Londres. Londres, elle, Rome, lui. Ils ne sont pas si loin. Un jour que Dean à plusieurs mois de vacances, il projette de revenir à Drogheda pour y séjourner une semaine, et sa sœur devait l'accompagner. Malheureusement, elle eût un empêchement, et ne le put. Et Dean mourut noyé, dans la mère de Grèce. Anéantie la famille. Tous. Pour couronner le tout, la communication pour l'Australie étant compliquée en ce temps de révolution grecque, le corps est enterré, on ne sait où, quelque part en Crète. Dean semble perdu. Mais Meggie va retrouver Ralph, après treize années, pour lui demander de l'aider à ramener son fils à Drogheda. Il refusa d'abord, puis accepta. Et ils le retrouvèrent. Et ils le ramenèrent. 

     Ralph mourut. C'est comme ça, en une phrase, que Colleen McCullough expliqua sa mort. Devenu cardinal depuis longtemps, sa mort n'affecta pas plus que celle de Dean, même bien beaucoup moins. Puis commença le destin de Justine. Après la mort de Dean, elle prit du temps, par honte et se sentant responsable, et se décida à rentrer définitivement, toute rebelle qu'elle est, à Drogheda. Mais Meggie, même si enchantée d'abord, lui adressa une dernière, lui interdisant catégoriquement de revenir vivre au domaine. Pour motifs : cet endroit est maudit, rien n'y est bon, et ta carrière est bonne à Londres. Alors Justine accepta. Elle se maria avec Rainer, un jeune allemand rencontré par Ralph une nuit lors de la guerre, et qui a pris de l'importance au fil de l'histoire. Ils eurent même deux enfants, et elle une carrière fleurissante.

     En bilan de tout un récit, nous avons Stu et Paddy morts, Ralph de Bricassart mort, Hughie et Franck ne voulant pas d'enfant ni de femme, Jims traumatisé par la guerre auquel il a participé avec Patsy, devenu stérile. Quand à Fee et Meggie, elles sont devenues vieilles et inutiles, et les servantes de même. Drogheda aura vécu trois générations, mais chacun se rend compte qu'il est temps de léguer.



     Pour ce qui est de la construction du roman, on peut constater une certaine symétrie au niveau des personnages et de leur situation. D'abord, nous avons les deux jumeaux qui naissent, ce qui crée un déséquilibre par rapport au début, déséquilibre supprimé par la mort de Stu et de Paddy. Là, le compteur de personnages est remis à zéro. Puis arrivent les deux enfants, déséquilibre qui sera comblé bien moins également par peut-être la mort de Ralph et l'oubli de Luke. En revanche, ce qui est certain, c'est que l'auteur a voulu une symétrie, un effet miroir entre la vie de Meggie et celle de Sa fille, Justine. Or, le miroir semble cassé, car Justine, bien que dégoûtée aussi de l'amour, va se désintéresser de tout et souffrir, comme sa mère, elle est rebelle et ne veut pas commettre les mêmes erreurs que Meggie. De son côté, Dean, sans le savoir, reflète parfaitement l'idéal de Ralph : prêtre, mais sans péché. Au final, à travers les personnages de Dean et de Justine, on retrouve la complicité de Ralph et Meggie, et leurs destins qu'ils n'ont jamais pu avoir : lui, un prêtre sans péchés, elle, une femme libre et heureuse. Bien que l'histoire soit tragique, si l'on y regarde de plus près, on se rend compte que le malheur a commencé avec Mary Carson, pourtant semblant être bénéfique aux Cleary, et il s'achève grâce à Justine, qui sera la seule vraiment heureuse, assez bizarrement d'ailleurs, puisqu'elle était promise à un avenir inexistant. Le paradoxe est le secret de Les oiseaux se cachent pour mourir. D'ailleurs, en évoquant le titre, je me rappelle et tiens à préciser que, à partir du livre VII environ, l'évocation des oiseaux est de plus en plus fréquente, et le roman se termine sur le paragraphe suivant : 

"L'oiseau à la poitrine percée d'une épine suit une loi immuable ; il ne sait pas ce qui l'a poussé à s'embrocher et il meurt en chantant. A l'instant même où 'épine le pénètre, il n'a pas conscience de la mort à venir ; il se contente de chanter et de chanter encore jusqu'à ce qu'il n'ait pplus de vie pour émettre une note de plus. Mais nous, quand nous nous enfonçons des épines dans la poitrine, nous savons. Nous comprenons. Et pourtant, nous le faisons. Nous le faisons."     

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